Le nouveau défi de l’alimentation durable et locale
L’agriculture et l’alimentation sont des sujets qui animent la sphère politique depuis plusieurs décennies et ils sont mis en exergue avec l’évolution des habitudes de vie, la crise du Covid ou encore l’importance accordée au développement durable remettant les sujets de la souveraineté alimentaire et de l’approvisionnement local au cœur des débats.
Cette politique connaît de nombreux défis notamment au travers des volets du développement durable, à savoir un défi économique, social et environnemental.
La Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ainsi que la Commission des affaires économiques du Sénat ont décidé d’orienter leurs solutions autour de deux axes principaux : le renforcement de l’autonomie alimentaire et la revalorisation de la production locale en maitrisant ainsi l’empreinte carbone de notre consommation alimentaire et le rapprochement de l’agriculture avec le quotidien des français
Où se positionne la France?
La politique alimentaire a depuis toujours été un sujet prépondérant dans le monde politique, notamment grâce à la signature du traité de Rome qui avait pour vocation d’établir une stratégie afin de nourrir le peuple. L’expérience et in fine l’amélioration du modèle agricole ont permis de diminuer de 13% le budget alimentaire des ménages en 60 ans.
Le fait que l’alimentation soit depuis toujours un sujet politique majeur a permis à la France de se positionner comme leader sur le sujet. En effet, avec une note de 76,1/100 au Food sustainability index (publié dans un rapport de The Economist Intelligence Unit et du Barrila Center for Food and Nutrition Foundation) la France fait partie des pays modèle. Cet index s’appuie sur sur une série d’indicateurs répartis en trois catégories :
- le gaspillage de l’eau et de la nourriture ;
- la durabilité des méthodes agricoles ;
- la gestion des problématiques nutritionnelles.
La France se distingue par sa 1ère place en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire (1ère place, avec une note 85,8/100), grâce à sa politique en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire issue, notamment, de la loi n° 2016-138 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite « loi Garot ».
En matière de durabilité des méthodes agricoles, la France se situe à la vingtième place avec une note de 71/100. En pratique, elle est fortement pénalisée pour sa gestion de l’eau (60ème/67), notamment par le manque de pratiques de récupération et de recyclage des eaux à des fins agricoles ainsi qu’une empreinte eau plus élevée qu’ailleurs. À cet égard, l’indicateur d’empreinte d’eau agricole français est dégradé par les importations de produits alimentaires.
En revanche, la France se place dans le haut du classement pour sa gestion des ressources terrestres (10ème) et pour ses émissions de gaz à effet de serre (9ème).
Concernant les ressources terrestres, la France obtient des scores élevés dans l’efficience de l’utilisation de ses engrais (5ème), l’éducation de ses exploitants (3ème), sa politique foncière (1ère). En revanche, le classement la pénalise au regard de la superficie forestière, du soutien public à la recherche et au développement agricole, de sa productivité, et de sa politique en matière de biocarburants (production et importations). Concernant les émissions de gaz à effets de serre (GES), si la France occupe des positions basses dans le classement en matière d’émissions totales, notamment en raison du poids de son agriculture dans son économie par rapport à d’autres pays, elle se distingue en émissions nettes, une fois que le stockage de carbone est pris en compte, grâce à sa politique forestière (4ème).
Enfin, s’agissant de la gestion des problématiques nutritionnelles, la France pointe à la huitième place. Elle se distingue par des pratiques vertueuses en matière de qualité de vie et d’espérance de vie, tout en accusant un retard pour des problématiques diététiques, comme d’autres pays à haut revenu, notamment par le nombre de fast-food par habitant et les taux de sucre et de matière grasse dans le régime alimentaire moyen.
Cependant, malgré une réussite sur le plan international, certains problèmes persistent. Une partie de la population n’a toujours pas accès de manière durable à une alimentation saine et équilibrée, la consommation de denrées importées ne cesse d’augmenter et l’industrie alimentaire représente à elle seule 18% des émissions de GES totales de la France. Enfin, le prix des produits alimentaires ainsi que la rémunération des agriculteurs restent également deux sujets au cœur des débats.
Pourquoi la pandémie de Covid a-t-elle bousculé la politique alimentaire ?
Le Covid-19, de par les nombreux confinements, a de manière très directe influencé la politique alimentaire de chaque pays. Nous avons assisté à une prise de conscience généralisée sur l’importance de l’alimentation mais également sur le caractère stratégique du sujet.
Les divers confinement ont démontré à quel point les repas étaient importants mais également sources de conflits. La situation inconnue d’état d’urgence a provoqué de nombreuses ruptures d’approvisionnements dans les supermarchés de France, notamment sur des denrées du quotidien, à savoir la farine et les pâtes.
La crise a ainsi démontré qu’il était nécessaire pour la France de « consolider sa souveraineté alimentaire » . Pour ce faire, le pays doit agir sur deux axes :
- Dans un premier temps, la France doit davantage maitriser sa chaîne de production, de manière globale, notamment concernant l’approvisionnement des matières protéiques pour l’alimentation animale mais également concernant l’approvisionnement en main d’œuvre étrangère.
- Dans un second temps, il est nécessaire de redonner le goût du « Made in France » aux consommateurs Français afin de réduire les importations. Cet axe est d’autant plus important à mettre en œuvre, que la demande des citoyens concernant des approvisionnements en produits locaux ne cesse de croitre.
Agir sur ces deux axes ne fera que renforcer la présence de la France sur toutes les gammes, mais permettra également de produire de manière locale tout en rendant l’alimentation accessible à tous.
Comment accéder à un modèle plus durable ?
Afin de rendre le modèle alimentaire plus durable, il est nécessaire de trouver un équilibre entre les axes économique, sociale et environnementale.
D’un point de vue économique, garantir des prix et des salaires justes est nécessaire pour rendre le modèle alimentaire durable. En effet, jouer sur le haut de gamme, en maintenant des prix élevés, ne permettra pas de nourrir l’ensemble de la population ; ne pas garantir des salaires minimum aux agriculteurs reviendra également à évincer une partie de la population au profit d’une autre. Être durable sur le plan économique permettra ainsi à la France d’être davantage dépendante sur les approvisionnements mais également de partager son savoir-faire aux autres nations plus novices sur le sujet.
D’un point de vue social, avoir un modèle durable permettrait de nourrir l’ensemble de la population avec des denrées saines et équilibrées. Pour répondre à ce défi, il est nécessaire de remettre en cause l’aménagement des territoires existants. Pour de nombreuses régions, cette notion est essentielle dans la mesure où la désertification rurale tend à s’intensifier, comme le démontre notamment l’apparition de déserts vétérinaires.
Enfin, la durabilité environnementale est nécessaire pour répondre aux enjeux climatiques actuels. Bien que la transition vers des modèles plus durables ait déjà débuté afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de nombreux thèmes restent à l’ordre du jour, à savoir : les intrants, le bien-être animal, les nouvelles méthodes de production etc… Cette transition ne se fera qu’à l’aide d’une démarche d’entraide entre les professionnels agricoles.
De manière générale, un modèle agricole plus durable permettrait d’améliorer notre souveraineté alimentaire. En effet, les importations massives augmentent de manière accrue notre fragilité en terme d’approvisionnement en cas d’évènements mondiaux tels que le Covid-19. Elles posent également un problème en terme de sécurité sanitaire, dans la mesure où les produits ne sont pas contrôlés de la même manière. Enfin d’un point de vue environnemental, réduire nos importations, permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports.
Quelles sont les solutions à mettre en place pour relever les différents défis ?
Les deux commissions à l’initiative du projet ont dressé une liste de 25 propositions axées autour de six stratégies :


Sources :
- France Agrimer, Apiculture, fiche filière 2020
- Contribution écrite de l’APCA
- Projet CECAM, Cired et al, 2019, L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France — de la production à la consommation
- IRI Insights, Consommation en GSA durant les 8 semaines de confinement (20 mai 2020)
- IRI Le Scan de l’info, 2021
- CREDOC, Enquêtes « Tendances de la consommation », 2000 et 2020
- CGAEER, Les produits locaux (janvier 2021)
- http://www.senat.fr/rap/r20-620/r20-6201.pdf
- http://www.senat.fr/rap/r20-620/r20-620-syn.pdf